Culture Publié le 22 juillet 2021

Ordinateur quantique, vers une prochaine révolution technologique ?

En 1959, Richard Feynman décrit pour la première fois les possibilités d'utiliser les propriétés quantiques pour faire des calculs. 60 ans après, en 2019, Google annonce avoir atteint la suprématie quantique, prouvant qu'un ordinateur quantique pouvait très largement surpasser les puissances de calcul du plus puissant ordinateur classique. L'ordinateur quantique sera-t-il la prochaine révolution technologique ?

Ordinateur quantique, vers une prochaine révolution technologique ?

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Droite : Sycamore, l'ordinateur quantique de Google Gauche : Le processeur quantique de Sycamore contenant ses 54 q-bits (Source: ai.googleblog.com)

Le fonctionnement d'un ordinateur quantique

Si vous ne comprenez pas, c'est que vous commencez à comprendre...

À l'instar d'un ordinateur dit "classique", l'ordinateur quantique utilise des bits (1 ou 0). Mais ces bits ont la particularité de réagir aux principes de la physique quantique. On les appelle q-bit (quantum bit). Le q-bit peut être représenté par le spin d'un électron, la polarisation d'un photon, etc.

Les scientifiques exploitent deux principes fondamentaux de physique quantique qui donnent tout leur potentiel (exponentiel) de calcul aux q-bits :

  1. Superposition d'états : le spin d'un électron, par exemple, se trouve dans une superposition d'états (spin-up 👍, spin-down 👎), c'est-à-dire qu'il est dans les 2 états à la fois, avec une probabilité d'apparition pour chacun d'eux.
  2. Intrication : si 2 particules sont dans un état dit intriqué, la mesure de l'une permet de déduire celle de la seconde sans même la mesurer, et ce, quelle que soit la distance qui les sépare. Dans ce cas, les 2 particules forment un et un seul état.

Grâce à ces 2 principes, les scientifiques sont capables d'obtenir des puissances de calcul phénoménales :

  • Prenons 2 bits (classiques) : cela donne un système à 4 états possibles (00, 01, 10, 11), mais il n'existe, à un instant t, que 2 valeurs possibles (0 ou 1 pour le premier bit, 0 ou 1 pour le second).
  • Prenons 2 q-bits (quantiques): cela donne un système à 4 états également, sauf que l'ensemble des états existent à chaque instant t grâce au principe de superposition.
  • Prenons 300 q-bits : cela donne un système à 2^300 états, soit plus que la totalité du nombre de particules dans l'univers !

En revanche, les q-bits sont également régis par le principe de réduction du paquet d'ondes, qui impose, lorsqu'on mesure le q-bit, que celui-ci se trouve dans un de ces états dits de base (👍 ou 👎). De plus, toute information sur l'état de superposition du q-bit est perdue, à jamais...

Malgré tout, les scientifiques arrivent à exploiter les q-bits à l'aide d'algorithmes dits quantiques, formés de portes logiques quantiques, permettant d'influer sur l'état (de superposition) du système quantique et ainsi converger vers une solution.

De plus en plus de q-bits

  • 2009 : Yale a créé le premier processeur quantique à 2 q-bits
  • 2016 : IBM a créé un processeur à 50 q-bits
  • 2019 : Google a créé Sycamore, un processeur quantique à 54 q-bits, leur permettant d'atteindre la suprématie quantique
  • 2023 : IBM promet un ordinateur quantique à 1000 q-bits !
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Source: codecoda.com

Les applications pratiques des ordinateurs quantiques

À ce jour, les applications pratiques sont encore limitées du fait qu'il existe très peu d'équivalents en termes d'algorithmes quantiques permettant de résoudre des problèmes concrets. Néanmoins, le potentiel est bien réel.

Factorisation en nombre premier - 🦖 = 🐑 + 🐑 + 🐑 + 🐑 + ... + 🐑

En 1994, le mathématicien Peter Shor découvre un algorithme quantique pour la factorisation en nombre premier dont les performances de calcul sont bien meilleures que celles du meilleur algorithme classique, respectivement O(log n) et O(√n).

Au niveau de la sécurité du web, cela pose un vrai problème, car la plupart des algorithmes de cryptographie actuels (RSA, etc.) se basent sur ce principe de factorisation en nombre premier. Néanmoins, en pratique, la "suprématie quantique" de l'algorithme de Shor est encore un rêve assez lointain. On estime qu'il faudrait :

  • 2000 q-bits sans erreur (impossible en pratique)
  • 1 milliard de q-bits avec erreur

Malgré tout, l'ordinateur quantique pourrait bel et bien permettre l'arrivée de nouveaux algorithmes de cryptographie plus robustes et plus performants.

Algorithme quantique de recherche dans une liste non triée - 🔎 ( 🍅 🥔 🍅 🍅 🥔 🥔 🍆 )

En 1996, Lov Grover, un autre mathématicien, découvre un algorithme quantique permettant la recherche dans une liste non triée avec, encore une fois, des performances bien meilleures que le meilleur algorithme actuel (respectivement O(√n) et O(n/2)).

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Illustration de l'algorithme de Grover exploitant une technique d'amplification d'amplitude pour converger vers l'élément recherché (Source: qiskit.org)

Problèmes complexes d'optimisation

Les problèmes complexes d'optimisation sont nombreux, comme, par exemple, la détermination du chemin le plus court entre 2 points d'un réseau.

Du fait que les processeurs quantiques permettent un très grand nombre de calculs en parallèle, ils sont particulièrement intéressants pour résoudre ces types de problèmes.

En 2019, Volkswagen a lancé le premier projet pilote pour l'optimisation du parcours (en temps réel) des bus de la ville de Lisbonne, grâce au système quantique de D-Wave, un des acteurs majeurs dans le domaine de l'ordinateur quantique, spécialisé dans les problèmes d'optimisation (quantum annealing).

Problèmes de simulation

Les ordinateurs quantiques ont également un réel potentiel pour les problèmes de simulation, comme :

  • Synthèse de nouveaux médicaments : simuler l'ensemble des réactions possibles d'un médicament sur le corps humain avant sa commercialisation.
  • Simulation de systèmes quantiques : quoi de mieux qu'un ordinateur quantique pour simuler le monde quantique et ainsi mieux le comprendre ?
  • Simulation du cerveau humain : simuler l'énorme complexité des neurones/synapses d'un cerveau humain pour une meilleure médecine (fun fact: en 2013, des chercheurs n'ont pu simuler que 1% du cerveau humain en utilisant l'ordinateur le plus puissant de l'époque !)
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Illustration du réseau neuronal d'un vers de terre ! (Source: en.m.wikipedia.org)

 

Le potentiel des ordinateurs quantiques est maintenant avéré, mais leur utilisation reste encore expérimentale, ce qui est principalement dû au fait qu'ils restent compliqués à opérer (réfrigéré autour du 0 absolu), qu'ils génèrent encore beaucoup trop d'erreurs et qu'il existe très peu d'algorithmes quantiques permettant de résoudre des problèmes concrets. Il est aussi très peu probable qu'ils arrivent un jour à supplanter les ordinateurs classiques, car ils dépendent énormément d'eux pour pouvoir opérer (notamment pour la correction d'erreur). Néanmoins, nous pouvons tout à fait imaginer, à terme, des services cloud nous permettant d'exécuter une partie d'un calcul (complexe) sur des systèmes quantiques, à la demande.

Lucas

Ingénieur Logiciel · Web

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