Bienvenue dans l’enfer du web moderne
Naviguer sur le web, c’est aujourd’hui slalomer entre pièges visuels, extensions intrusives et collecte de données — cet article t’aide à mieux comprendre, et à mieux t’en protéger.

Bienvenue sur Internet. Ou plutôt… en enfer. Le web d’aujourd’hui, saturé de sollicitations et de manipulations visuelles, transforme chaque visite en parcours du combattant. Derrière cette surstimulation se cache une économie de l’attention redoutable. Et même les outils censés nous protéger ou nous faciliter la navigation, comme les extensions, peuvent parfois devenir des menaces. Cet article explore les travers de ce web moderne et vous présente des pistes pour en sortir.
Extensions de navigateur : entre utilité et menace
L'éthique est essentielle dans la création d’extensions pour les navigateurs. Au-delà de leur utilité, elles soulèvent des questions fondamentales concernant notre responsabilité envers la protection de la vie privée ainsi que la sécurité en ligne. Utiles, oui — mais dangereuses si elles sont mal conçues ou mal utilisées.

Les risques engendrés par les extensions web
Les principaux risques sont :
- Accès aux données personnelles : certaines extensions peuvent accéder à l'historique de navigation, aux cookies ou à d'autres données sensibles. Ces données sont ensuite utilisées pour des publicités ciblées, ou sont parfois vendues à des tiers.
- Faille de sécurité : les extensions représentent un point d’entrée potentiel pour des menaces telles que le vol de données, les attaques par hameçonnage ou les redirections vers des sites frauduleux. Il est donc impératif de maintenir à jour vos extensions et votre navigateur pour renforcer la sécurité, car les mises à jour corrigent les vulnérabilités identifiées.
- Performance : une extension mal conçue peut ralentir considérablement un navigateur. L'utilisation abusive des ressources système est un signe révélateur d'une conception inadéquate, voire malveillante.
À quel point les extensions peuvent-elles ralentir le navigateur ?
Debugbear a étudié l'impact des extensions sur les performances du navigateur Chrome. Leur analyse a porté sur les 1'000 extensions Chrome les plus populaires, chacune ayant été téléchargée plus d'un million de fois. Même si un ralentissement de quelques centaines de millisecondes peut sembler négligeable, l'utilisation de plusieurs extensions simultanément peut considérablement dégrader l'expérience utilisateur.

Ces extensions qui vous veulent du bien !
Toutes les extensions ne sont pas néfastes à la performance du navigateur. En effet, les extensions de bloqueurs de pubs peuvent améliorer le rendement. Prenons par exemple cette étude qui examine l'utilisation du CPU lors de la visite de deux articles de presse : l'un de The Independent (léger) et l'autre du Pittsburgh Post-Gazette (plus lourd). On constate que sans bloqueur de publicité, l’usage du CPU par page est de 17,5 secondes. Même le bloqueur le moins performant réduit ce temps à 7,4 secondes (57 %).

Données personnelles : vous êtes le produit
La protection des données personnelles est devenue un prérequis essentiel, imposé par des organismes et réglementations tels que la CNIL, le RGPD et la nLPD (nouvelle Loi sur la protection des données). Dans ce contexte, il est crucial de repenser la manière dont la publicité en ligne est conçue et diffusée.
De nombreux sites collectent nos données de navigation, souvent à notre insu, pour les revendre à des tiers ou les exploiter à des fins de publicité ciblée. Comme le rappelle la CNIL, ces fichiers ne peuvent être transmis que dans le respect strict du consentement et de la transparence.
Certaines entreprises, comme Facebook, ont été critiquées pour avoir partagé ces données avec des partenaires commerciaux, illustrant les dérives d’un modèle économique fondé sur l’exploitation de notre vie privée (Critiques de Facebook).
Sur Internet, quand c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit.
La publicité sans cookies, c'est possible !
Les méthodes traditionnelles de publicité, basées sur la collecte et l'exploitation des données personnelles, sont de plus en plus critiquées. Pour répondre à ces préoccupations, certaines entreprises adoptent des approches innovantes et responsables.
Un exemple notable est celui de Gumgum, qui utilise une intelligence artificielle pour analyser le contenu des pages web et diffuser des publicités contextuelles, sans recourir aux données personnelles des utilisateurs. Cette méthode permet de respecter la vie privée tout en assurant une pertinence des annonces.
En d’autres termes, le raisonnement change de “quelle publicité afficher pour quel utilisateur ?” à “quelle publicité positionner sur quelle page web ?”.

Économie de l'attention : lutter contre la surstimulation
Pour maximiser le temps passé sur leurs plateformes et augmenter les interactions, de nombreux sites utilisent des techniques appelées Dark Patterns. Ces méthodes sont conçues pour manipuler les utilisateurs et les inciter à effectuer des actions qu'ils ne feraient pas autrement, souvent au détriment de leur expérience.
L’expérience utilisateur sur le web moderne
Les sollicitations interactives, telles que les pop-ups, les demandes d'abonnement et les notifications, bien qu'utiles pour certaines informations, sont souvent intrusives et perturbent la navigation. Le but reste toujours le même : faire en sorte que l’utilisateur passe le plus de temps possible sur la page web et l’inciter à interagir d’une manière ou d’une autre.
Notre web d’aujourd’hui:
- Ouvrir le site web
- Accepter les cookies
- Refuser l'abonnement à la newsletter
- Refuser l’inscription pour une période d'essai gratuite
- Refuser la demande d’accès aux notifications
- Fermer la pop-up d'aide ou de chat en direct
- Décliner l’invitation à télécharger l’application
- Chercher le bouton pour fermer la popup
- Fermer le nouvel onglet publicitaire
- Mettre en pause la vidéo en lecture automatique
- Décliner la demande d'avis sur un produit
- Refuser la géolocalisation
- Changer la langue
- Recommencer
- …
- Se souvenir pourquoi on est sur cette page

Bienvenue sur Internet. Du moins une sombre partie d’Internet, celle où l’expérience utilisateur est mise loin de côté au profit de… de quoi au juste ?..🤷♂️
Pour un web plus responsable, il est crucial de minimiser ces pratiques et de privilégier des interactions qui apportent une réelle valeur ajoutée aux utilisateurs, sans les manipuler ni les frustrer.
Économie du clic = Bien-être numérique
Sur le web, chaque clic compte. Les sollicitations interactives, bien qu’utiles dans certains cas, sont souvent perçues comme intrusives et perturbent l’expérience des utilisateurs. Voici quelques raisons pour lesquelles elles ne sont pas appréciées :
- Dégradation de l’image de marque : l'utilisation excessive de sollicitations interactives peut nuire à la réputation du site, ternissant ainsi la crédibilité et la qualité perçue du site.
- Complexité de fermeture : certaines sollicitations interactives ne proposent pas d'option de fermeture claire. Dans de tels cas, la frustration peut pousser le visiteur à quitter le site prématurément.
- Altération de la confiance : se sentir assailli par une fenêtre intempestive peut engendrer un sentiment d'agression, nuisible à la relation de confiance entre l’internaute et l’entreprise.
- Interruption de l'expérience utilisateur : les pop-ups intempestifs, les demandes d’abonnement et les notifications peuvent interrompre la lecture ou la navigation, ce qui nuit à l'immersion de l’internaute dans le contenu.
Il est crucial pour les développeurs et les administrateurs du site d'adopter une approche éthique. Minimiser les distractions visuelles et s'assurer que tout contenu, qu'il soit sous forme de pop-up ou autre, apporte une réelle valeur ajoutée à l'utilisateur.
L’expérience web avec ironie
Non, ce n’était pas mieux avant. Vous souvenez-vous des débuts d’Internet et la myriade de toolbars inutiles ?

Un jeu a été conçu précisément pour montrer à quel point l'expérience utilisateur sur le web peut être perturbée par des pop-ups, des bannières publicitaires, et autres éléments intrusifs. User Inyerface, conçu par l'agence Bagaar, illustre parfaitement ces travers.
Comment sortir de l’enfer numérique ?
Le web d’aujourd’hui ressemble trop souvent à un champ de mines numériques. Pop-ups, notifications, demandes insistantes, tracking invisible : chaque visite devient un parcours du combattant.
Loin d’être une fatalité, l’enfer du web moderne peut être transformé. Derrière chaque dérive — surstimulation, extensions douteuses, exploitation des données personnelles — émergent aussi des alternatives éthiques, des pratiques responsables et des outils pensés pour le respect de l’utilisateur.
Des développeurs, designers et entreprises s’engagent pour un web plus sobre, plus humain et plus inclusif. Il ne tient qu’à nous, créateurs comme utilisateurs, de soutenir cette évolution.
L’espoir est là, dans chaque ligne de code, chaque choix de design, chaque clic conscient.